revue de presse

France

Journal du Réel #7 :
EAST PUNK MEMORIES
Lucile Chaufour
Contrechamp Français, 80’, France
Jeudi 29 Mars, 18h15, Cinéma 1 + Débat en salle
Vendredi 30 Mars, 13h45, Petite Salle + Débat en salle
Samedi 31 Mars, 12h00, Cinéma 2

La réalisatrice retrouve des punks hongrois qu’elle avait filmés dans les années 80 pour les interroger sur ces 20 ans passés. Confrontation d’images de vie punk à une parole désabusée sur les changements politiques advenus pendant cette période.

Interviewer des punks sur les changements politiques de ces dernières décennies, n’est-ce pas mettre en scène la fin de la rébellion puisque le discours remplace l’expression spontanée de révolte ?
Au contraire, on voit que la seule réactivité, voire le radicalisme quasi-autodestructeur, s’il est flamboyant, n’est pas tenable sur la longueur. Arriver à penser la complexité, réinterroger la signification de concepts entendus, comprendre ce qui se joue au-delà de la communication, c’est probablement la meilleure école politique du moment. On peut par exemple s’interroger sur "la liberté" qu’ils attendaient, celle que leur promettait la radio « free Europe ». Était-ce la liberté d’expression ou la liberté d’entreprendre ? Celle des libertaires, des libéraux ou des libertariens américains ?

Cette parole qui émerge 20 ans après questionne aussi ce qu’était qu’être punk. Qu’était-ce au juste pour vous ?

À l’époque, le punk était une formidable soupape quand on avait seulement le choix entre les shows télévisés de la variété française et Michel Jackson, quand on n’avait aucune éducation politique mais qu’on sentait que quelque chose ne tournait pas rond.

Les images d’archives rappellent ce temps qui a passé, et qui a changé tous ces personnages physiquement et dans leur manière de vivre. Considérez-vous que vieillir redéfinisse notre relation au politique, pousse à une résignation ?


Moi non, mais force est de constater que l’engagement de la jeunesse survit souvent mal aux années. Ceci dit, je suis beaucoup plus intéressée par la construction d’un individu passé la trentaine, par la façon dont il va négocier sa vie, se repositionner, apprendre, que par les promesses de l’adolescence. Mais, pour moi la question du film est plutôt celle de débrouiller ce que signifiait être punk en Hongrie dans les années 80, et si ce qui est advenu avec la chute du Mur correspondait à leurs attentes.

Propos recueillis par Marjolaine Normier et Amandine Poirson


Laurent Deadfuck Commando in Rotten Eggs Smell Terrible : "Makhno records dans les années 84, 85 ? Ca te dit quelque chose ? Mmmm oui, Makhno plutôt familier mais pour le label ? Bon, c'est le label qu'avait créé Lucile Chaufour de retour de Budapest où elle avait filmé ces punks hongrois qu'elle a retrouvés en 2005 et qu'elle a interrogés sur l'époque, sur leur passé, leur présent, leur futur de punk ou d'ex-punks hongrois. Ne me dit pas que ça ne te dit rien, Ô mémoire du punk hexagonal ! Marrant, elle a utilisé la même série de questions pour tous. Ce qui m'a frappé dans le film, ce n'est pas tellement les détails spécifiquement hongrois de la chose - même s'ils ont bien sûr leur intérêt, pour peu qu'on s’intéresse à un sujet aussi pointu que le mouvement punk hongrois des années 80, il y a de quoi en faire un film, la preuve - mais plutôt la discussion sur le thème : que reste-t-il de tout ça 20 ans après ? Parce que comme les protagonistes d'East Punk Memories, en 1984 nous aussi nous avions entre 15 et 20 ans, nous aussi on se faisait contrôler par la police et exclure de nos lycées pour nosattitudes anti-sociales ! Ah, bien sûr, nous n'avions pas la chance (ou le malheur ! comme disait Ossang !) de vivre dans un pays communiste et nos pérégrinations contestataires allaient bientôt nous paraître bien anodines quand nous allions commencer à entendre parler, grâce à des gens comme Lucile ou Luk Haas, de l'existence de nos frères des pays de l'Est,... Cette réalité, ce monde, décentré par rapport au notre, était probablement un peu difficile à comprendre pour nous à ce moment-là. Difficile aussi pour nous de comprendre ces relents de nationalisme qui tapissaient parfois certains des propos recueillis là-bas à l'époque, et le film a le mérite de revenir là-dessus en particulier. Hier encore, j'envoyais des photos de lui-même à Gégé quand il avait 20 ans et toi tu m'en envoyais de lui aujourd'hui. Donc hier soir, dès les premières minutes du film c'est à ça que je pensais, à nous, à toi, à Gégé et à son improbable iroquoise frisée toute semblable à celle d'un punk hongrois de 1984 et à nos tronches de maintenant, au cheveu parfois rare, aux questions que tu me posais et aux souvenirs que j'essayais de faire revenir. Aux polémiques de l'époque aussi qui 25 ans après continuent d'agiter les esprits ici comme là-bas et de la vague impression d'avoir peut-être manqué le coche à un moment ou un autre, quelques regrets, un peu de nostalgie bien sûr, mais pas seulement. Si regrets il y a, ils s'expriment dans le film par l'idée que finalement 20 ans après on ne vit pas dans un monde meilleur, peut-être même tout au contraire, finalement rien n'a vraiment changé, là-bas comme ici les salauds de pauvres sont restés des salauds de pauvre, les changements espérés et opérés n'en sont pas, la liberté dont nous jouissons n'est qu'apparente, le manque de perspectives est tout aussi grand qu'il y a 20 ans ! On peut demander ça à un grec, mais un hongrois fait tout aussi bien l'affaire finalement. L'un de ces anciens punks le dit lui-même : "...la haine envers les Tziganes et le nationalisme, ça me fait vraiment très peur. Mais d'un autre côté, la mondialisation ne me plaît pas non plus. Alors, ce truc du "no future"regagne du terrain.". Aussi, c'est peut-être ça qu'il faut tirer comme conclusion de nos années punks comme de celles de nos collègues hongrois et de bien d'autres encore : si nous avions toutes les bonnes raisons du monde d'être punks au début des années 80, nous en aurions tout autant, sinon plus, aujourd'hui ! Et donc ce qui a été fait ne l'a pas été en vain, ça n'a jamais été ni futile ni inutile, ça n'a pas disparu non plus, c'est à la disposition de tous, il n'y a qu'à se servir."


International


An interview with Lucile Chaufour, by Eraserhead in RNR666 :
In the mid-eighties, defying local regulations that prohibited illegal filmmaking, Lucile Chaufour shot Super8 material about a group of Hungarian punks and how they were struggling under the communist regime. More than twenty years later, she returned several times to interview the same people about what it was like to be a punk in Hungary, what punk stood for back then and how it has changed since and also how they see life in Hungary before and after the fall of the Berlin Wall. Is this what they struggled for?

The Hungarian premiere of your film EAST PUNK MEMORIES will take place today at the Toldi cinema in Budapest. Can you sum up briefly what the film is about?

The film is about punk, life and, of course, politics: Hungarian punk was highly political, as they were fighting against the regime with their own means. To leave out politics completely and just to focus on the music would not have been respectful to those involved.

You did a lot of interviews between 2005 and 2011 with the same people you filmed in the mid-80s. Tell us about the way you edited the film.
I tried to show all the range of opinions and memories and not focus on one side, that’s how I could respect as much as possible the different visions. This film is about being able to talk and to hear different points of view on a situation. What is very interesting is that from a group of friends in the 80s, all positions are now represented: from left to right, and also those who do not want to take sides or do not want to deal with politics. It’s a collective portrait where each statement is reinforced, developed or contradicted by the next one. That’s the way I chose to give an authentic picture of the situation, rather than a “black and white” judgment.


The film presents a kaleidoscope view, with no censorship. Is this what you wanted to do?
Yes, I like the authentic way each character speaks: it is direct. Somehow, this is what remains from the punk years: to stand honestly for what you believe in, what you remember of that time, and I respect that. Part of the interviews were done in 2005, maybe some individuals have changed their points of view since then, but this is part of life. This film is a snapshot of a group of old punks at a certain moment of their life, about 25 years after the first shooting done in Super8 in the mid 80’s.


East Punk Memories at the blog of The CEU Weekly, by Kelemen Agnes:
http://ceuweekly.blogspot.hu/2013/10/east-punk-memories-rather-personal-film.html


FB
Hulala
soirée de la première du film sur index.hu